ASSEMBLEE EPISCOPALE PROVINCIALE DE KISANGANI
B.P.505
KISANGANI
LA VIE HUMAINE EST SACREE
Message de l’Assemblée Episcopale
Provinciale de Kisangani aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne
volonté
Nous, Archevêque et
Evêques de la Province Ecclésiastique de Kisangani(ASSEPKIS), réunis
en Assemblée Episcopale Provinciale statutaire, profitons de ce temps de carême
pour vous adresser nos paternelles
salutations.
Avant tout, Nous vous assurons de notre sollicitude
pastorale, en dépit de nombreuses vicissitudes du temps présent. En notre
qualité de Pasteurs et conformément à la mission prophétique de l’Eglise dans
le monde, nous voudrions vous partager
nos préoccupations sur la protection et la promotion de la vie
humaine dans notre Province, et proposer une ligne de conduite à adopter. En
effet, la vie humaine est sacrée, car « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa »
(Gn 1,26).
1.
L’insécurité
Depuis un certain temps, un
peu partout, l’insécurité persistante a pris des proportions inquiétantes. En
effet, plusieurs groupes armés sont
encore actifs sur le territoire de la
Province, notamment : les Maï-maï, les milices FRPI, la LRA, les FDLR, les
NALU, les Simba, etc. ; des vols à
mains armées sont fréquemment perpétrés çà et là ; des assassinats ont été commis à
Kisangani, à
Bunia et récemment
à
Aru ; des personnes ont été enlevées,
particulièrement à Bunia.
Nous félicitons les
efforts louables déployés par les autorités publiques afin de mettre en place une stratégie efficace
pour la sécurisation des personnes et de leurs biens, mais la population
continue à vivre dans la psychose. La multiplication de tous ces actes
criminels nous pousse à nous interroger sur les solutions durables pour mettre
fin à cette situation.
2.
Les
phénomènes migratoires
De même, les phénomènes
migratoires désordonnés créent des
perturbations au sein de la population en certains endroits de la Province. En effet, la présence des Mbororo, des réfugiés centrafricains, des
déplacés du Nord-Kivu vers l’Ituri, des éleveurs de l’Ituri vers le Haut-Uélé, etc., perturbe la quiétude des populations
locales. Celles-ci sont souvent délogées ; leurs champs, unique
moyen de subsistance, sont dévastés par les vaches. Cela crée une instabilité pour les familles paysannes
souvent de condition modeste et comporte des risques de conflits violents.
3.
La
circulation des personnes et des biens
Nous saluons avec joie la
réhabilitation de certains tronçons routiers, notamment du chef-lieu de la
Province vers l’intérieur. Cependant la question de l’enclavement de certaines parties de la Province continue à se
poser avec acuité. C’est cette situation
qui a contraint le peuple, en particulier la société civile du Haut-Uélé, à revendiquer une solution rapide et équitable.
En effet, les usagers des
routes s’acquittent de leur obligation de péage. Le service de FONER est
implanté partout, mais l’impact de son travail ne se fait pas suffisamment voir. Le
nombre élevé des barrières ne fait que rendre pénible la circulation des personnes
et des biens. Il reste donc encore beaucoup à faire pour parvenir à relier les districts
à la Province, les territoires aux districts et les régions rurales aux
agglomérations importantes.
En outre,
ces
derniers jours, on a déploré d’énormes pertes en vies humaines dans la navigation fluviale entre Kisangani et
Lokutu. Pourtant, ces catastrophes auraient pu être évitées, si l’Etat faisait réellement
respecter la règlementation en la matière, en particulier l’interdiction de
la fabrication des baleinières en
planches et la limitation de chargement.
4.
L’exploitation
des ressources naturelles
Notre Province regorge de
ressources naturelles : les minerais, le bois, le pétrole, la faune, la
flore, etc. Cependant, cette richesse ne
contribue pas à l’amélioration des conditions de vie des populations locales,
comme c’est le cas à Kibali Gold Mine. En effet, l’exploitation artisanale,
semi-industrielle et industrielle, s’effectue le plus souvent en violation des
droits en la matière. Ni les intérêts de la Province et des
communautés locales, ni les risques environnementaux ne sont suffisamment pris en considération. Cette
situation contribue à mettre la vie
humaine en danger et compromet les chances de développement de la Province.
5.
L’extension
unilatérale des réserves naturelles
La protection de la nature
est un devoir civique pour tout citoyen.
Cependant, l’extension
de ces réserves naturelles à Epulu, Ubundu et Opala, qui font la fierté
mondiale de notre Province, s’effectue d’une manière unilatérale au détriment
de la population locale. En effet, des personnes humaines sont expropriées de leurs champs, leurs maisons,
leur patrimoine foncier, voire des tombes des leurs et cela, sans compensation équitable. Pourtant, parmi les êtres que la nature héberge, c’est l’homme qui
occupe la première place. Nous lisons dans la Bible : « Dieu les bénit et leur dit :
soumettez la terre, dominez sur les poissons, les oiseaux, et tous les
animaux » (Gn 1,28). Il est
donc paradoxal de sacrifier la vie humaine au bénéfice des animaux. Au
contraire, la protection de la nature doit commencer par celle de la vie
humaine, au service de laquelle le Créateur a subordonné tout le reste de la
nature.
6.
Les
conflits de terre et de pouvoir
Enfin, des conflits
de terre et de pouvoir coutumier surgissent ça et là et dégénèrent parfois en confrontations
meurtrières. De telles situations auraient dû être réglées en amont par l’Etat, à travers ses
divers services compétents. L’histoire montre
que la gestion du patrimoine
foncier et la succession de trônes sont des questions particulièrement
sensibles pour les communautés.
7.
Les
recommandations
Au regard
de tout ce qui précède, tout en félicitant les Autorités Provinciales pour les
efforts fournis dans la réhabilitation
des infrastructures, ainsi que dans la bonne gouvernance, nous formulons les recommandations
suivantes :
A la Communauté
Internationale
-
Collaborer avec l’Etat congolais dans la
gestion des migrations étrangères sans porter préjudice à l’intégrité du
territoire national ;
-
Collaborer avec l’Etat congolais dans la mise en place d’une
politique de protection de la nature qui tienne compte d’abord
du caractère sacré de la vie
humaine ;
A l’Etat
congolais
-
Associer non seulement les instances du
pouvoir coutumier, mais aussi les populations locales dans l’estimation des
espaces pouvant constituer des réserves naturelles à protéger ;
-
Redoubler d’efforts pour assurer la sécurité
des personnes et de leurs biens ;
-
Gérer les phénomènes migratoires de
manière à éviter les conflits avec les
populations locales ;
-
Prendre en considération les intérêts
des communautés locales et les impliquer dans les négociations relatives aux
contrats d’exploitation industrielle des ressources naturelles ;
-
Mettre sur pied une politique de protection de la nature en tenant avant tout compte
du caractère sacré de la vie humaine ;
-
Ordonner tous les différents services de
l’Etat à la promotion du bien commun ;
-
Règlementer la navigation fluviale, améliorer
la qualité des embarcations et en assurer le suivi ;
-
Poursuivre la réhabilitation des
tronçons routiers sur toute l’étendue de la Province ;
-
Instruire les services étatiques concernés
pour que cessent les tracasseries administratives, militaires, policières et
judiciaires ;
-
Veiller au bon fonctionnement des
services de l’urbanisme, habitat et des titres immobiliers afin d’éviter des décisions qui
génèrent parfois des conflits fonciers.
Au peuple
-
Prendre conscience de la dignité humaine et du
caractère sacré de la vie ;
-
Veiller sur sa sécurité communautaire en
collaboration avec les services étatiques compétents ;
-
Revendiquer ses droits par des voies légales et s’acquitter de ses
obligations envers l’Etat ;
-
Eviter des actes de violence sous toutes
ses formes.
Conclusion
En ce temps de cheminement
vers Pâques, mystère de la victoire de la Vie
sur la mort, Nous confions l’avenir de notre Province à la protection de Dieu
par l’intercession de la Vierge Marie et de la Bienheureuse Marie-Clémentine
Anuarite Nengapeta, Fille de notre Peuple. Nous vous bénissons.
Fait à
Kisangani, le 06 mars 2015.
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