samedi 7 mars 2015

LA VIE HUMAINE EST SACREE Message de l’Assemblée Episcopale Provinciale de Kisangani aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté



ASSEMBLEE EPISCOPALE PROVINCIALE DE KISANGANI
B.P.505 KISANGANI
LA VIE HUMAINE EST SACREE
 Message de l’Assemblée Episcopale Provinciale de Kisangani aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté  

Nous, Archevêque et Evêques de la Province Ecclésiastique de Kisangani(ASSEPKIS),   réunis en Assemblée Episcopale Provinciale statutaire, profitons de ce temps de carême pour vous  adresser nos paternelles salutations.
 Avant tout, Nous vous assurons de notre sollicitude pastorale, en dépit de nombreuses vicissitudes du temps présent. En notre qualité de Pasteurs et conformément à la mission prophétique de l’Eglise dans le monde, nous voudrions vous partager  nos préoccupations sur la protection et la promotion de la vie humaine  dans notre Province, et  proposer une ligne de conduite à adopter. En effet, la vie humaine est sacrée, car « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Gn 1,26).
1.     L’insécurité
Depuis un certain temps, un peu partout, l’insécurité persistante a pris des proportions inquiétantes. En effet, plusieurs groupes armés sont encore actifs  sur le territoire de la Province, notamment : les Maï-maï, les milices FRPI, la LRA, les FDLR, les NALU, les Simba, etc. ; des vols à mains armées sont fréquemment perpétrés çà et là ; des assassinats ont été commis à Kisangani,  à Bunia et récemment à Aru ; des personnes ont été enlevées, particulièrement à Bunia. 
Nous félicitons les efforts louables déployés par les autorités publiques  afin de mettre en place une stratégie efficace pour la sécurisation des personnes et de leurs biens, mais la population continue à vivre dans la psychose. La multiplication de tous ces actes criminels nous pousse à nous interroger sur les solutions durables pour mettre fin à cette situation.   


2.     Les phénomènes migratoires
De même, les phénomènes migratoires désordonnés  créent des perturbations au sein de la population  en certains  endroits de la Province. En effet, la présence des Mbororo, des réfugiés centrafricains, des déplacés  du Nord-Kivu vers l’Ituri, des éleveurs  de l’Ituri vers le Haut-Uélé,  etc., perturbe la quiétude des populations locales.  Celles-ci sont  souvent délogées ; leurs champs, unique moyen de subsistance, sont dévastés par les  vaches. Cela crée une   instabilité pour les familles paysannes souvent de condition modeste et comporte des risques de conflits violents.
3.     La circulation des personnes et des biens
Nous saluons avec joie la réhabilitation de certains tronçons routiers, notamment du chef-lieu de la Province vers l’intérieur. Cependant la question de l’enclavement de certaines parties de la Province continue à se poser avec acuité.  C’est cette situation qui a contraint le peuple, en particulier la société civile du Haut-Uélé,  à revendiquer une solution rapide et équitable. 
En effet, les usagers des routes s’acquittent de leur obligation de péage. Le service de FONER est implanté partout, mais l’impact de son travail ne se fait pas suffisamment voir.  Le nombre élevé des barrières ne fait que rendre pénible la circulation des personnes et des biens. Il reste donc encore beaucoup à faire pour parvenir à relier les districts à la Province, les territoires aux districts et les régions rurales aux agglomérations importantes.
En outre, ces derniers jours, on a déploré d’énormes pertes  en vies humaines  dans la navigation fluviale entre Kisangani et Lokutu.  Pourtant, ces catastrophes    auraient pu être évitées, si l’Etat faisait réellement respecter la règlementation en la matière, en particulier l’interdiction de la  fabrication des baleinières en planches et la limitation de chargement.
4.     L’exploitation des ressources naturelles
Notre Province regorge de ressources naturelles : les minerais, le bois, le pétrole, la faune, la flore, etc. Cependant, cette richesse ne contribue pas à l’amélioration des conditions de vie des populations locales, comme c’est le cas à Kibali Gold Mine. En effet, l’exploitation artisanale, semi-industrielle et industrielle, s’effectue le plus souvent en violation des droits en la matière.   Ni les intérêts de la Province et des communautés locales, ni les risques environnementaux  ne sont suffisamment pris en considération. Cette situation contribue à  mettre la vie humaine en danger et compromet les chances de développement de la Province.
5.     L’extension unilatérale des réserves naturelles
La protection de la nature est un devoir civique pour tout citoyen.  Cependant,   l’extension de ces réserves naturelles à Epulu, Ubundu et Opala, qui font la fierté mondiale de notre Province, s’effectue d’une manière unilatérale au détriment de la population locale. En effet, des personnes humaines sont expropriées de leurs champs, leurs maisons, leur patrimoine foncier, voire des tombes des leurs et cela, sans  compensation équitable. Pourtant, parmi les êtres que la nature héberge, c’est l’homme qui occupe la première place. Nous lisons dans la Bible : « Dieu les bénit et leur dit : soumettez la terre, dominez sur les poissons, les oiseaux, et tous les animaux » (Gn 1,28). Il est donc paradoxal de sacrifier la vie humaine au bénéfice des animaux. Au contraire, la protection de la nature doit commencer par celle de la vie humaine, au service de laquelle le Créateur a subordonné tout le reste de la nature.
6.     Les conflits de terre et de pouvoir
Enfin, des  conflits  de terre et de pouvoir coutumier surgissent ça et là et     dégénèrent parfois en confrontations meurtrières. De telles situations auraient dû être  réglées en amont par l’Etat, à travers ses divers services compétents. L’histoire montre  que la gestion du patrimoine foncier et  la succession de trônes sont des questions particulièrement sensibles pour  les communautés. 
7.     Les recommandations
Au regard de tout ce qui précède, tout en félicitant les Autorités Provinciales pour les efforts fournis  dans la réhabilitation des infrastructures, ainsi que dans la bonne gouvernance, nous  formulons les recommandations suivantes :
A la Communauté Internationale
-         Collaborer avec l’Etat congolais dans la gestion des migrations étrangères sans porter préjudice à l’intégrité du territoire national ;
-         Collaborer avec  l’Etat congolais dans la mise en place d’une politique de   protection de la nature qui tienne compte d’abord  du caractère sacré de la vie humaine ;

A l’Etat congolais
-         Associer non seulement les instances du pouvoir coutumier, mais aussi les populations locales dans l’estimation des espaces pouvant constituer des réserves naturelles à protéger ;
-         Redoubler d’efforts pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens ;
-         Gérer les phénomènes migratoires de manière à éviter les  conflits avec les populations locales ;
-         Prendre en considération les intérêts des communautés locales et les impliquer dans les négociations relatives aux contrats d’exploitation industrielle des ressources naturelles ;
-         Mettre sur pied une politique de  protection de la nature en tenant avant tout compte du caractère sacré de la vie humaine ;
-         Ordonner tous les différents services de l’Etat à la promotion du bien commun ;
-         Règlementer la navigation fluviale, améliorer la qualité des embarcations et en assurer le suivi ;
-         Poursuivre la réhabilitation des tronçons routiers sur toute l’étendue de la Province ;
-         Instruire les services étatiques concernés pour que cessent les tracasseries administratives, militaires, policières et judiciaires ;
-         Veiller au bon fonctionnement des services de l’urbanisme, habitat et des titres  immobiliers afin d’éviter des décisions qui génèrent parfois  des conflits fonciers.
Au peuple
-         Prendre  conscience de la dignité humaine et du caractère sacré de la vie ;
-         Veiller sur sa sécurité communautaire en collaboration avec les services étatiques compétents ;
-         Revendiquer ses droits par des  voies légales et s’acquitter de ses obligations envers l’Etat ;
-         Eviter des actes de violence sous toutes  ses formes.



Conclusion
En ce temps de cheminement vers Pâques, mystère de la victoire de la Vie sur la mort, Nous confions l’avenir de notre Province à la protection de Dieu par l’intercession de la Vierge Marie et de la Bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta, Fille de notre Peuple. Nous vous bénissons.

Fait à Kisangani, le 06 mars 2015.