mardi 17 juillet 2018

+ Julien ANDAVO soulève le défi actuel des Pasteurs-Catéchètes lors de leur formation à Magambe/Isiro


Bien chers sœurs et frères catéchètes,
Nous voici au seuil de votre session de recyclage, laquelle est prévue pour près d’une quinzaine de jours. Il s’agit plus précisément, comme le prévoit la programmation de ladite session, de poursuivre l’inauguration de celle-ci par l’intervention sous forme d’une conférence. L’honneur m’échoit d’y procéder.
Vous me permettrez de faire porter cette conférence sur le thème cité en tête de l’intervention : « Promouvoir la spiritualité des fidèles laïcs, actuel exaltant défi pour nos Catéchètes ». L’approfondissement de ce thème consistera en une synthèse de l’enseignement de l’Eglise à ce sujet, un enseignement qui se dégage de cette triple source : 1) Constitution dogmatique « Lumen Gentium » du Concile Vatican II, 2) Petit Dictionnaire de Théologie Catholique et Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Enfin, le concept « promouvoir » est à comprendre dans le sens simple d’accompagner efficacement les agents concernés dans l’un ou l’autre de leurs engagements.

Avant d’en arriver à relever l’apport attendu, s’impose l’approche de quelques volets déterminants de la double thématique.

I.                   LES CATECHETES FACE AU DEFI A RELEVER

Les sous-thèmes suivants renvoient aux volets déterminants sous-entendus ici : catéchètes, fidèles laïcs et spiritualité de ces derniers.

1.     QUI SONT LES CATECHETES

Les Catéchètes dont on parle sont ces agents ecclésiaux auxquels renvoie le profil[1] que voici.

Ce sont des femmes et hommes dotés de qualifications pédagogico-théologiques les habilitant à transmettre la foi au sein de l’Eglise et dans le monde. A la base de cette charge, il leur a fallu, au départ, être baptisés et confirmés dans ladite foi. Il est question, ensuite, qu’ils soient appelés à l’exercice de telle ou telle mission catéchétique par la hiérarchie de l’Eglise, c’est-à-dire, au lendemain de leur formation dûment sanctionnée, par l’Evêque de l’une ou l’autre Eglise particulière ; encore que, dans tout cela, le modèle indépassable soit Jésus Christ accompagnant les disciples d’Emmaüs.

En concret, ils sont divers, les domaines de qualification en lesquels ces agent sont supposés se préparer ; ce peut être les disciplines pédagogique, théologique, biblique, et j’en passe.

Leurs champs d’apostolat enfin sont également multiples : initiation baptismale, enseignement du cours de religion, accompagnement des fidèles dans la maturation de la foi… Mais en tout cela, ils ne perdront jamais de vue, encore une fois, le modèle indépassable relevé plus : le Christ Seigneur accompagnant les disciples d’Emmaüs.

2.     LES FIDELES LAÏCS

On peut commencer le relèvement du profil incarné par la deuxième catégorie d’agents, les fidèles laïcs, en situant chacun devant sa plus haute responsabilité sur cette terre : l’engagement temporel. C’est que, pour lui, « le domaine de l’activité primordiale … est celui de l’engagement temporel ». En effet, en s’y appliquant, le Laïc « sert Dieu et témoigne de sa foi dans le Royaume, en menant la vie (comme il se doit) dans laquelle la réalisation juste et chrétienne de l’histoire et de ses structures (mariage, travail, profession) prend toute sa signification pour le salut du monde, en donnant à chaque individu et au cosmos tout entier le visage qu’ils devront avoir définitivement auprès de Dieu »[2].

Le terme « laïc » s’applique ainsi, en d’autres termes, à ce Baptisé (sujet radicalement sanctifié et gratifié de la vie divine) « qui est membre (et non pas seulement sujet) de l’Eglise et a, par conséquent, un rôle actif et une responsabilité ; qui fait partie du peuple saint de Dieu (1 P 2, 10) ; qui doit, par sa vie (et, dans le cadre de sa vie, également par sa parole), rendre témoignage à la grâce divine en tant qu’elle est, dans le Christ, la Rédemption victorieuse du monde et de tous les hommes ; qui a part à la tâche de l’Eglise qui consiste à ‘assumer’ la destinée de l’homme en ce monde suivant tous les domaines de l’existence humaine (la civilisation et l’histoire) dans l’attente et l’acceptation du Règne de Dieu, en sauvegardant et en transcendant à la fois cette destinée, à participer à la célébration du sacrifice de l’Eglise en tant que membre du sujet total de l’Eucharistie, à assumer la part de l’œuvre d’ensemble qui, suivant les circonstances concrètes, lui échoit, en particulier – vers le dehors – dans la charge missionnaire de l’Eglise »[3].

Par ailleurs, ce Laïc constitue, « lui aussi, en vertu d’une grâce et d’une mission reçues sans intermédiaire, porteur du charisme par lesquels Dieu guide et sanctifie son Eglise, même s’il doit, dans l’obéissance et en esprit de sacrifice, insérer son charisme dans l’ensemble de la vie de l’Eglise et le soumettre au ‘discernement des esprits’, au charisme plus haut et plus vaste (hiérarchique ou libre) de l’Eglise universelle »[4].

A noter enfin qu’étymologiquement et secondairement parlant le mot « laïc » provient du grec « laikos » signifiant « appartient au peuple ; il s’emploie pour désigner (négativement parlant) « quelqu’un qui ne fait pas partie de ceux qui détiennent le pouvoir de gouvernement ou les pouvoirs sacramentels dans l’Eglise (qui n’appartient donc pas au ‘clergé’)[5].

En une formulation ramassée et pour reprendre le libellé même du Concile Vatican II à ce sujet, le terme « laïcs » s’applique – en d’autres termes – au groupe de fidèles, à l’exclusion de ceux « engagés dans un ordre sacré et dans un état religieux reconnu par l’Eglise » qui, « après avoir été incorporés au Christ par le baptême, ont été associés au Peuple de Dieu et rendus à leur manière participants de l’office sacerdotal, prophétique et royal du Christ, et qui exercent pour leur part la mission dévolue au peuple chrétien tout entier dans l’Eglise et dans le monde ». Il est une particularité qui caractérise ce corps ecclésial : c’est le temporel. En effet, « de par leur vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu ». Ils « vivent dans le siècle, engagés dans toutes et chacune des  affaires du monde, plongés dans l’ambiance où se meuvent la vie de famille et la vie sociale dont leur existence est comme tissée. C’est là qu’ils sont appelés par Dieu, jouant ainsi le rôle qui leur est propre et guidés par l’esprit évangélique, à travailler comme ce l’intérieur, à la manière d’un ferment, à la sanctification du monde et à manifester ainsi le Christ aux autres, principalement par le témoignage de leur propre vie, par le rayonnement de leur foi, de leur espérance et de leur charité. C’est à eux qu’il revient particulièrement d’illuminer et d’ordonner toutes les choses temporelles, auxquelles ils sont étroitement liés, en sorte qu’elles soient toujours accomplies selon le Christ, qu’elles croissent et soient à la louange du Créateur et Rédempteur »[6].




3.     LEUR SPIRITUALITE, CHAMP D’APOSTOLAT DES CATECHETES

Il y a lieu d’indiquer la spiritualité de nos fidèles laïcs en poursuivant l’option levée dès le point de départ de notre exposé, c’est-à-dire en en relevant schématiquement les différents composants. Ce faisant, l’on aura circonscrit le champ d’apostolat au cœur de la présente intervention, celui qui s’offre à l’engagement de nos Catéchètes.  

L’essentiel de la spiritualité dans le chef de chacun de nos Fidèles laïcs consiste à être saint et sanctificateur par son double encrage : il doit être immergé à la fois dans le Mystère de Dieu et dans la société où il vit avec ses frères et sœurs. Signifier ceci, c’est en fait dire le tout de ladite spiritualité.

En effet par ladite double immersion, le Fidèle laïc est habilité à édifier le monde selon l’Esprit de Jésus. C’est que, grâce à cela :
-         il peut regarder « l’au-delà de l’histoire, sans s’en éloigner » ;
-         il est en mesure de « cultiver un amour passionné pour Dieu », sans omettre de se soucier intensément de ses frères et sœurs, « que l’on perçoit… tels que les voit le Seigneur et que l’on aime comme Il les aime » ;
-         lui et ses frères du même statut ecclésial « peuvent contribuer, ainsi que le soulignait le Pape Jean-Paul II, comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et ... manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie »[7].

Il y a, par ailleurs, deux axes d’engagement censés leur permettre de « mûrir les compétences requises pour l’accomplissement de leur devoirs sociaux » : il s’agit, d’une part, d’approfondir leurs « motivations intérieures… avec ses valeurs et ses exigences » ; et, d’autre part, d’acquérir le « style approprié à l’engagement dans le domaine social et politique, … fruit d’un parcours dynamique et permanent de formation » qui implique la vie familiale, le domaine d’engagement professionnel, les rapports sociaux, l’engagement politique tout comme les activités culturelles. Moyennant l’observance stricte de ce double engagement, ils seront en mesure de « réaliser une harmonie entre la vie, dans sa complexité, et la foi »[8]. Somme toute, il y va d’une « spiritualité… étrangère aussi bien au spiritualisme intimiste qu’à l’activisme social » ; c’est bien plutôt une spiritualité « qui sait s’exprimer en une synthèse vitale qui confère unité, sens et espérance à l’existence, si contradictoire et fragmentée pour bien des raisons »[9].

Enfin, pareil itinéraire existentiel s’entretient moyennant les six recours ci-après, lesquels s’appliquent mieux s’ils le sont avec l’appui de sages guides spirituels[10] :
-         la référence à la Parole de Dieu ;
-         la célébration liturgique du mystère chrétien ;
-         la prière personnelle ;
-         l’expérience ecclésiale vraie ;
-         l’exercice des vertus sociales et
-         l’effort soutenu de formation culturelle, professionnelle voire politique.

A remarquer, du reste, que non seulement les démarches – ainsi relevées – sont loin de se juxtaposer les unes aux autres, mais peuvent même parfaitement se combiner entre elles.

Tel est le champ d’apostolat au cœur de la présente communication, celui au niveau duquel nos Catéchètes sont appelés à exercer leur ministère.

II.                LA PROMOTION DE LA SPITUALITE DU LAÏC

J’en arrive pratiquement au point de chute de ma brève intervention. Aussi, puis-je me permettre d’être le plus suggestif possible.

L’aide qu’il me vient à l’esprit de proposer aux Catéchètes que vous incarnez, peut revenir en l’accompagnement de nos fidèles dans l’entretien de leur spiritualité, celle qui vient d’être cernée. Ainsi, cette aide peut consister, notamment, dans :
-         Leur alimentation par recours à la Parole de Dieu. Ici, il s’agira de les assister dans la mise en pratique de cette Parole dans tel ou tel contexte vital.
-         La célébration fructueuse du Mystère chrétien.
-         L’approfondissement de la prière personnelle. Une prière vraiment incarnée, et non pas oiseuse.
-         Le vécu au quotidien de leur « ecclésialité ». Ce qui, de leur part, peut revenir à constituer le levain dans la pâte qu’est la vie en société des hommes et femmes d’aujourd’hui.
-         La traduction, au niveau communautaire, des vertus sociales.
-         L’élévation du niveau de leur formation culturelle, professionnelle et politique.

Au sujet de ladite formation, qu’il me soit permis, avant de terminer, de relever les aspects cruciaux pleins d’actualité dans le contexte sociopolitique prévalant aujourd’hui en notre pays. Ce sont ces aspects sur lesquels insiste vraiment l’Enseignement social de l’Eglise en tant que celui-ci se rapporte à l’engagement de nos fidèles dans la vie civile. En effet, il appartient à ces fidèles - pour citer à ce sujet ici le Pape Paul VI, « par leurs libres initiatives et sans attendre passivement consignes et directives, de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie »[11]. Et au même enseignement d’enchaîner en précisant les deux niveaux de l’action concernée de la formation : « Le premier niveau de l’œuvre de formation adressée aux chrétiens laïcs doit les rendre capables d’affronter efficacement les tâches quotidiennes dans les domaines culturels, sociaux, économiques et politiques, en développant en eux le sens du devoir pratiqué au service du bien commun »[12]. « Un deuxième niveau concerne la formation de la conscience politique pour préparer les chrétiens laïcs à l’exercice du pouvoir politique. ‘Ceux qui sont, ou peuvent devenir capables d’exercer l’art difficile, mais aussi noble, de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels »[13].

III.             POUR CONCLURE   

Voilà schématiquement relevé, l’un des aspects de votre actuel formation-recyclage, à ne jamais perdre de vue. En vous souhaitant en ce sens un fructueux séjour dans le présent Centre d’accueil, qui est un centre d’animation spirituelle dédié à protection céleste du Bienheureux Isidore BAKANJA.

Sur ce, je déclare entièrement ouverts les travaux de formation-recyclage du juillet 2018 d’Isiro-Magambe.
Mes sincères remerciements pour votre attention soutenue.

Isiro, le 16 juillet 2018.

+ Julien ANDAVO MBIA,
Evêque d’Isiro-Niangara.


[1] Ce paragraphe s’inspire de l’Article « Katechet, Katechetin, dans : Lexikon für Theologie und Kirche, V, Herder Freiburg im Breisgau 1996, col. 1304-1305.
[2] Karl RAHNER – Herbert VORGRIMLER, « Laïc », Petit Dictionnaire de Théologie Catholique, Seuil, Paris 1970, 253.
[3] Ibidem, 252.
[4] Ibidem, 252-253 ;
[5] Ibidem, 252.
[6] Constitution LG du Concile Vatican II, n.31.
[7] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Chrisitfideles laici, AAS, 81 (1989), n. 59 cité par Conseil Pontifical « Justice et Paix », Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise (CDSE), Ed. Vaticanes, Rome 2004,
[8] CDSE, n. 545.
[9] Ibidem.
[10] Ibidem.
[11] Paul VI, Encyclique Populorum progressio, AAS 59 (1967), n. 81.
[12] CDSE, n.531a.
[13] Idem, n. 531b.