Bien chers sœurs
et frères catéchètes,
Nous voici au
seuil de votre session de recyclage, laquelle est prévue pour près d’une
quinzaine de jours. Il s’agit plus précisément, comme le prévoit la
programmation de ladite session, de poursuivre l’inauguration de celle-ci par
l’intervention sous forme d’une conférence. L’honneur m’échoit d’y procéder.
Vous me
permettrez de faire porter cette conférence sur le thème cité en tête de l’intervention :
« Promouvoir la spiritualité des
fidèles laïcs, actuel exaltant défi pour nos Catéchètes ».
L’approfondissement de ce thème consistera en une synthèse de l’enseignement de
l’Eglise à ce sujet, un enseignement qui se dégage de cette triple
source : 1) Constitution dogmatique « Lumen
Gentium » du Concile Vatican II, 2) Petit Dictionnaire de Théologie
Catholique et Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Enfin, le concept
« promouvoir » est à comprendre dans le sens simple d’accompagner
efficacement les agents concernés dans l’un ou l’autre de leurs engagements.
Avant d’en
arriver à relever l’apport attendu, s’impose l’approche de quelques volets
déterminants de la double thématique.
I.
LES CATECHETES FACE AU DEFI A RELEVER
Les sous-thèmes
suivants renvoient aux volets déterminants sous-entendus ici : catéchètes,
fidèles laïcs et spiritualité de ces derniers.
1.
QUI SONT LES CATECHETES
Les Catéchètes
dont on parle sont ces agents ecclésiaux auxquels renvoie le profil[1]
que voici.
Ce sont des
femmes et hommes dotés de qualifications pédagogico-théologiques les habilitant
à transmettre la foi au sein de l’Eglise et dans le monde. A la base de cette
charge, il leur a fallu, au départ, être baptisés et confirmés dans ladite foi.
Il est question, ensuite, qu’ils soient appelés à l’exercice de telle ou telle
mission catéchétique par la hiérarchie de l’Eglise, c’est-à-dire, au lendemain
de leur formation dûment sanctionnée, par l’Evêque de l’une ou l’autre Eglise
particulière ; encore que, dans tout cela, le modèle indépassable soit
Jésus Christ accompagnant les disciples d’Emmaüs.
En concret, ils
sont divers, les domaines de qualification en lesquels ces agent sont supposés se
préparer ; ce peut être les disciplines pédagogique, théologique, biblique,
et j’en passe.
Leurs champs
d’apostolat enfin sont également multiples : initiation baptismale,
enseignement du cours de religion, accompagnement des fidèles dans la
maturation de la foi… Mais en tout cela, ils ne perdront jamais de vue, encore
une fois, le modèle indépassable relevé plus : le Christ Seigneur
accompagnant les disciples d’Emmaüs.
2.
LES FIDELES LAÏCS
On peut
commencer le relèvement du profil incarné par la deuxième catégorie d’agents,
les fidèles laïcs, en situant chacun devant sa plus haute responsabilité sur
cette terre : l’engagement temporel.
C’est que, pour lui, « le domaine de
l’activité primordiale … est celui de l’engagement temporel ». En
effet, en s’y appliquant, le Laïc « sert
Dieu et témoigne de sa foi dans le Royaume, en menant la vie (comme il se doit)
dans laquelle la réalisation juste et
chrétienne de l’histoire et de ses structures (mariage, travail, profession) prend toute sa signification pour le
salut du monde, en donnant à chaque
individu et au cosmos tout entier le visage qu’ils devront avoir définitivement
auprès de Dieu »[2].
Le terme « laïc » s’applique ainsi, en
d’autres termes, à ce Baptisé (sujet radicalement sanctifié et gratifié de la
vie divine) « qui est membre (et non
pas seulement sujet) de l’Eglise et a, par conséquent, un rôle actif et une
responsabilité ; qui fait partie du peuple saint de Dieu (1 P 2,
10) ; qui doit, par sa vie (et, dans le cadre de sa
vie, également par sa parole), rendre
témoignage à la grâce divine en tant qu’elle est, dans le Christ, la Rédemption
victorieuse du monde et de tous les hommes ; qui a part à la tâche de
l’Eglise qui consiste à ‘assumer’ la destinée de l’homme en ce monde suivant
tous les domaines de l’existence humaine (la civilisation et l’histoire) dans
l’attente et l’acceptation du Règne de Dieu, en sauvegardant et en transcendant
à la fois cette destinée, à participer à la célébration du sacrifice de
l’Eglise en tant que membre du sujet total de l’Eucharistie, à assumer la part
de l’œuvre d’ensemble qui, suivant les circonstances concrètes, lui échoit, en
particulier – vers le dehors – dans la charge missionnaire de l’Eglise »[3].
Par ailleurs, ce
Laïc constitue, « lui aussi, en
vertu d’une grâce et d’une mission reçues sans intermédiaire, porteur du charisme
par lesquels Dieu guide et sanctifie son Eglise, même s’il doit, dans
l’obéissance et en esprit de sacrifice, insérer son charisme dans l’ensemble de
la vie de l’Eglise et le soumettre au ‘discernement des esprits’, au charisme
plus haut et plus vaste (hiérarchique ou libre) de l’Eglise universelle »[4].
A noter enfin
qu’étymologiquement et secondairement parlant le mot « laïc »
provient du grec « laikos » signifiant « appartient au peuple ; il s’emploie pour désigner
(négativement parlant) « quelqu’un
qui ne fait pas partie de ceux qui détiennent le pouvoir de gouvernement ou les
pouvoirs sacramentels dans l’Eglise (qui n’appartient donc pas au ‘clergé’)[5].
En une formulation
ramassée et pour reprendre le libellé même du Concile Vatican II à ce sujet, le
terme « laïcs » s’applique – en d’autres termes – au groupe de
fidèles, à l’exclusion de ceux « engagés
dans un ordre sacré et dans un état religieux reconnu par l’Eglise » qui, « après avoir été incorporés au
Christ par le baptême, ont été associés au Peuple de Dieu et rendus à leur
manière participants de l’office sacerdotal, prophétique et royal du Christ, et
qui exercent pour leur part la mission dévolue au peuple chrétien tout entier
dans l’Eglise et dans le monde ». Il est une particularité qui caractérise
ce corps ecclésial : c’est le temporel. En effet, « de par leur
vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le royaume de Dieu en
administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu ». Ils « vivent dans le siècle, engagés dans toutes et chacune des affaires du monde, plongés dans l’ambiance où
se meuvent la vie de famille et la vie sociale dont leur existence est comme
tissée. C’est là qu’ils sont appelés par Dieu, jouant ainsi le rôle qui leur
est propre et guidés par l’esprit évangélique, à travailler comme ce
l’intérieur, à la manière d’un ferment, à la sanctification du monde et à
manifester ainsi le Christ aux autres, principalement par le témoignage de leur
propre vie, par le rayonnement de leur foi, de leur espérance et de leur
charité. C’est à eux qu’il revient
particulièrement d’illuminer et d’ordonner toutes les choses temporelles,
auxquelles ils sont étroitement liés, en sorte qu’elles soient toujours accomplies selon le Christ, qu’elles croissent
et soient à la louange du Créateur et Rédempteur »[6].
3.
LEUR SPIRITUALITE, CHAMP D’APOSTOLAT DES
CATECHETES
Il y a lieu
d’indiquer la spiritualité de nos fidèles laïcs en poursuivant l’option levée
dès le point de départ de notre exposé, c’est-à-dire en en relevant schématiquement les différents composants.
Ce faisant, l’on aura circonscrit le champ d’apostolat au cœur de la présente
intervention, celui qui s’offre à l’engagement de nos Catéchètes.
L’essentiel de la
spiritualité dans le chef de chacun de nos Fidèles laïcs consiste à être saint et sanctificateur par son double encrage : il doit être immergé à la fois dans le Mystère de Dieu et dans
la société où il vit avec ses frères et sœurs. Signifier ceci, c’est en
fait dire le tout de ladite spiritualité.
En effet par ladite double immersion, le Fidèle laïc
est habilité à édifier le monde
selon l’Esprit de Jésus. C’est que, grâce à cela :
-
il peut regarder « l’au-delà de
l’histoire, sans s’en éloigner » ;
-
il est en mesure de « cultiver un amour passionné pour
Dieu », sans omettre de se soucier intensément de ses frères et sœurs,
« que l’on perçoit… tels que les voit le Seigneur et que l’on aime comme
Il les aime » ;
-
lui et ses frères du même statut
ecclésial « peuvent contribuer,
ainsi que le soulignait le Pape Jean-Paul II, comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment,
en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et
... manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur
vie »[7].
Il y a, par
ailleurs, deux axes d’engagement censés leur permettre de « mûrir les compétences requises pour
l’accomplissement de leur devoirs sociaux » : il s’agit, d’une
part, d’approfondir leurs « motivations
intérieures… avec ses valeurs et ses exigences » ; et, d’autre
part, d’acquérir le « style
approprié à l’engagement dans le domaine social et politique, … fruit d’un
parcours dynamique et permanent de formation » qui implique la vie
familiale, le domaine d’engagement professionnel, les rapports sociaux,
l’engagement politique tout comme les activités culturelles. Moyennant
l’observance stricte de ce double engagement, ils seront en mesure de « réaliser une harmonie entre la vie,
dans sa complexité, et la foi »[8].
Somme toute, il y va d’une « spiritualité…
étrangère aussi bien au spiritualisme intimiste qu’à l’activisme social » ;
c’est bien plutôt une spiritualité « qui sait s’exprimer en une
synthèse vitale qui confère unité, sens et espérance à l’existence, si
contradictoire et fragmentée pour bien des raisons »[9].
Enfin, pareil
itinéraire existentiel s’entretient moyennant les six recours ci-après,
lesquels s’appliquent mieux s’ils le
sont avec l’appui de sages guides spirituels[10] :
-
la référence à la Parole de Dieu ;
-
la célébration liturgique du mystère
chrétien ;
-
la prière personnelle ;
-
l’expérience ecclésiale vraie ;
-
l’exercice des vertus sociales et
-
l’effort soutenu de formation
culturelle, professionnelle voire politique.
A remarquer, du
reste, que non seulement les démarches – ainsi relevées – sont loin de se juxtaposer
les unes aux autres, mais peuvent même parfaitement se combiner entre elles.
Tel est le champ
d’apostolat au cœur de la présente communication, celui au niveau duquel nos
Catéchètes sont appelés à exercer leur ministère.
II.
LA PROMOTION DE LA SPITUALITE DU LAÏC
J’en arrive
pratiquement au point de chute de ma brève intervention. Aussi, puis-je me
permettre d’être le plus suggestif possible.
L’aide qu’il me
vient à l’esprit de proposer aux Catéchètes que vous incarnez, peut revenir en l’accompagnement
de nos fidèles dans l’entretien de leur spiritualité, celle qui vient d’être
cernée. Ainsi, cette aide peut consister, notamment, dans :
-
Leur alimentation par recours à la
Parole de Dieu. Ici, il s’agira de les assister dans la mise en pratique de
cette Parole dans tel ou tel contexte vital.
-
La célébration fructueuse du Mystère
chrétien.
-
L’approfondissement de la prière
personnelle. Une prière vraiment incarnée, et non pas oiseuse.
-
Le vécu au quotidien de leur « ecclésialité ». Ce qui, de leur
part, peut revenir à constituer le levain dans la pâte qu’est la vie en société
des hommes et femmes d’aujourd’hui.
-
La traduction, au niveau communautaire,
des vertus sociales.
-
L’élévation du niveau de leur formation
culturelle, professionnelle et politique.
Au sujet
de ladite formation, qu’il me soit permis, avant de terminer, de relever les
aspects cruciaux pleins d’actualité dans le contexte sociopolitique prévalant
aujourd’hui en notre pays. Ce sont ces aspects sur lesquels insiste vraiment l’Enseignement
social de l’Eglise en tant que celui-ci se rapporte à l’engagement de nos
fidèles dans la vie civile. En effet, il appartient à ces fidèles - pour citer
à ce sujet ici le Pape Paul VI, « par leurs libres initiatives et sans attendre passivement consignes et directives,
de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les
structures de leur communauté de vie »[11].
Et au même enseignement d’enchaîner en précisant les deux niveaux de l’action
concernée de la formation : « Le
premier niveau de l’œuvre de formation adressée aux chrétiens laïcs doit les
rendre capables d’affronter efficacement les tâches quotidiennes dans les
domaines culturels, sociaux, économiques et politiques, en développant en eux
le sens du devoir pratiqué au service du bien commun »[12].
« Un deuxième niveau concerne la
formation de la conscience politique pour préparer les chrétiens laïcs à
l’exercice du pouvoir politique. ‘Ceux qui sont, ou peuvent devenir capables
d’exercer l’art difficile, mais aussi noble, de la politique, doivent s’y
préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt
personnel ni des avantages matériels »[13].
III.
POUR CONCLURE
Voilà schématiquement
relevé, l’un des aspects de votre actuel formation-recyclage, à ne jamais
perdre de vue. En vous souhaitant en ce sens un fructueux séjour dans le
présent Centre d’accueil, qui est un centre d’animation spirituelle dédié à
protection céleste du Bienheureux Isidore BAKANJA.
Sur ce, je
déclare entièrement ouverts les travaux de formation-recyclage du juillet 2018
d’Isiro-Magambe.
Mes sincères
remerciements pour votre attention soutenue.
Isiro, le 16
juillet 2018.
+ Julien ANDAVO
MBIA,
Evêque
d’Isiro-Niangara.
[1] Ce
paragraphe s’inspire de l’Article « Katechet, Katechetin, dans : Lexikon für Theologie und Kirche, V, Herder Freiburg im Breisgau
1996, col. 1304-1305.
[2] Karl RAHNER – Herbert
VORGRIMLER, « Laïc », Petit Dictionnaire de Théologie
Catholique, Seuil, Paris
1970, 253.
[4]
Ibidem, 252-253 ;
[5] Ibidem,
252.
[6]
Constitution LG du Concile Vatican II, n.31.
[7] Jean-Paul
II, Exhortation apostolique
Chrisitfideles laici, AAS, 81 (1989), n. 59 cité par Conseil Pontifical
« Justice et Paix », Compendium
de la Doctrine Sociale de l’Eglise (CDSE), Ed. Vaticanes, Rome 2004,
[9] Ibidem.